ANNONCE. C’est une petite révolution : les pouvoirs publics, par la réglementation environnementale 2020, vont chasser le chauffage au gaz du marché de la maison individuelle neuve dès 2021. Le ministère de la Transition écologique vient en effet de détailler les lignes de force du futur texte réglementaire.
La disparition progressive du gaz dans le neuf est programmée
En logements collectifs, la transition sera progressive, mais dans le même objectif de sortir le gaz non-vert à terme : entre 2021 et 2024, le seuil « sera d’abord fixé à 14kgCO2/an/m2, laissant ainsi encore la possibilité d’installer du chauffage au gaz à condition que les logements soient très performants énergétiquement », détaille le ministère. Mais ce niveau sera durci, à 6kgCO2/m2/an, « excluant de fait le chauffage exclusivement au gaz », mais permettant toutefois l’emploi ponctuel de Pac hybrides. Les systèmes de type pompes à chaleur, chauffage biomasse, réseaux de chaleur, devraient être parmi les grands gagnants de ces décisions. Avec la RE2020, « la France, à l’instar d’autres pays européens (Pays-Bas, Suède, Royaume-Uni) se met en capacité de se passer définitivement des énergies fossiles et du gaz dans les bâtiments neufs », se félicitent les pouvoirs publics. « En cohérence avec la Stratégie nationale bas carbone, nous ne pouvons pas continuer à construire les trois quarts de nos logements collectifs en les chauffant au gaz », a indiqué Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique et solidaire, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le 24 novembre 2020.
Entrée en vigueur progressive
En plus de la prise en compte des émissions carbone des énergies, un seuil sera également fixé sur la partie ‘construction’, tenant compte du poids CO2 des produits et matériaux – son niveau précis n’est pas encore connu. Pour que les acteurs puissent s’approprier progressivement cette nouvelle donne, les pouvoirs publics ont décidé que le texte sera appliqué par phases. Les années 2021 à 2024 constitueront en quelque sorte une période d’apprentissage : un seuil carbone à respecter dès l’année prochaine pour la phase construction sera fixé, nous assure le ministère de la Transition écologique. Mais il ne « correspondra pas à une diminution significative par rapport aux constructions actuelles ». Il rendra toutefois nécessaire la réalisation d’une analyse du cycle de vie « de qualité ».
L’ossature bois en maison individuelle, la « norme » en 2030
Le seuil sera de plus en plus exigeant avec le temps, puisqu’en 2024 il correspondra à une diminution de 15% des émissions par rapport au niveau actuel, et -25% en 2027. Enfin, en 2030, « le seuil maximal en kgCO2/m2 sera abaissé entre 30% à 40% par rapport au niveau de référence actuel ». En conséquence, l’usage du bois et des biosourcés sera de plus en plus incontournable, et le Gouvernement va bientôt lancer un travail visant à dynamiser la production de bois d’œuvre d’origine française. « L’évolution sera plus rapide pour les maisons individuelles, où la construction en ossature bois est déjà assez courante et compétitive », explique le Gouvernement. « Elle sera plus progressive dans le collectif, où certaines techniques et réglementations (incendie par exemple) ont encore des marges de progression et d’évolution. »
Il est ainsi attendu qu’en 2030, l’ossature bois en maison individuelle soit la norme ; en collectif, on se dirigerait vers du biosourcé « vraisemblablement systématique » en second œuvre et « très courant » dans le gros œuvre (y compris d’éventuels bétons bas carbone). Faut-il comprendre que le béton ‘classique’, ou encore le métal, se verraient quasiment chassés du marché de la maison individuelle, et verraient leurs parts de marché dans le collectif largement entamées ? « La réglementation fixe des exigences de résultat, pas de moyen », nuance-t-on du côté du ministère de la Transition écologique. Il serait ainsi possible à des matériaux non-biosourcés de maintenir une part de marché en collectif, à condition de faire la part belle à l’innovation pour diminuer leur empreinte carbone.
Il y aura bien un seuil carbone matériaux dès 2021
Si Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, reconnaît que les objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre sur la phase ‘réalisation’ ne seront pas si exigeants dès 2021, elle assure que l’État est « ambitieux pour la suite », estimant que « c’est la soutenabilité de la trajectoire qui compte ». « 2021 ne sera pas une étape de rupture, mais de stabilisation et d’optimisation de la méthode de l’analyse du cycle de vie ; cela est nécessaire pour caractériser le poids carbone des équipements, des matériaux, à travers les fiches de données environnementales et sanitaires (FDES). C’est déjà une révolution pour le secteur, qui doit l’absorber rapidement. »
Le seuil Bbio abaissé, et pas de massification des convecteurs électriques
En matière énergétique, le seuil maximal de besoin bioclimatique (Bbio) sera abaissé de 30% par rapport à la réglementation thermique 2012, pour les logements collectifs et individuels, et ce dès 2021. Par ailleurs, la RE « systématisera le recours à la chaleur renouvelable, via un seuil maximal de consommation d’énergie primaire non renouvelable ». Le Gouvernement précise, que, comme il l’avait indiqué à Batiactu début 2020, il empêchera un « retour massif du radiateur électrique (convecteur à effet joule) ». La ministre de la Transition écologique et solidaire, Barbara Pompili, a bien insisté sur le fait qu’elle n’envisageait pas une hausse de la consommation d’électricité du fait de l’entrée en vigueur de la RE. « Nous souhaitons avant tout encourager la sobriété énergétique », a-t-elle assuré, faisant référence à l’exigence du Bbio. « Il ne faudrait pas qu’on installe des radiateurs électriques partout, les convecteurs à effet joule, que l’on appelle parfois ‘grille-pains’ : ils sont très chers à l’usage et pèsent sur le réseau électrique lors de la pointe hivernale. » Le Gouvernement imposera, pour éviter cette massification, la fixation d’un seuil maximal de consommation d’énergie primaire non renouvelable.
« L’essentiel de l’exigence sera sur le Bbio »
La RE2020 marquera également, selon la ministre, un « changement de repères intellectuels », puisque le seuil ‘énergie’ (situé à 50 kWh/m2/an dans la RT2012) ne sera pas un marqueur aussi important dans la RE qu’il ne l’a été dans la RT. « Il y aura bien une valeur dans la réglementation environnementale, mais elle ne devra pas être comparée à celle de la RT2012 : les méthodes de calcul ont évolué – données météo, surface prise en compte, consommation de froid… La RE2020 ira surtout plus loin pour limiter les consommations d’énergie non renouvelables », a affirmé Barbara Pompili. « Il faudra faire très attention à ce que la consommation maximale d’énergie primaire que nous indiquerons ne soit pas prise au pied de la lettre, car nous ne nous situerons plus sur les mêmes référents. L’essentiel de l’exigence sera sur le Bbio. »
Encourager les biosourcés
La RE2020 va faire en sorte qu’à l’horizon 2030, « l’usage du bois et des matériaux biosourcés quasi-systématique, y compris en structure (gros œuvre) dans les maisons individuelles et le petit collectif », devienne une réalité. Les pouvoirs publics confirment également que l’analyse du cycle de vie dynamique sera choisie (plutôt que statique), pour « attribuer un poids plus fort au carbone qui est émis aujourd’hui qu’au carbone qui sera émis plus tard » – ceci favorisant naturellement les matériaux qui stockent du carbone, comme le bois.
Une entrée en vigueur dès l’été 2021
La réglementation entrera en vigueur pour les permis de construire déposés à compter de « l’été 2021 », a également confirmé le ministère. Les logements, bureaux et bâtiments d’enseignements seront alors concernés. « Les bâtiments tertiaires plus spécifiques feront l’objet d’un volet ultérieur de la réglementation. » Les textes réglementaires pour les logements seront mis en consultation début décembre 2020, et le texte final de la RE sera publié d’ici à la fin du premier trimestre 2021. « La réglementation pour les bâtiments tertiaires scolaires et de bureaux sera mise en consultation en léger décalage avec une entrée en vigueur concomitante à celle du résidentiel », précise le Gouvernement – le tertiaire « spécifique » fera l’objet d’un décalage d’une année.
Une réunion du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE) a eu lieu ce 24 novembre, et la discussion avec les acteurs est censée continuer dans les semaines à venir, a indiqué la ministre déléguée au Logement Emmanuelle Wargon, pour la fixation des « points les plus techniques ».
Enfin, le label accompagnant la RE2020, pour les maîtres d’ouvrage souhaitant aller plus loin que la réglementation, sera « consolidé au second semestre 2021 ».
Confort d’été
Un indicateur de confort d’été sera instauré dans la RE2020, qui s’exprimera en degré.heure (DH). La RE2020 fixera un seuil haut maximal de 1.250 DH qu’il sera interdit de dépasser, correspondant à « une période de 25 jours durant laquelle le logement serait continument à 30°C le jour et 28°C la nuit ». Un seuil bas sera également fixé, à 350 DH, « à partir duquel des pénalités s’appliqueront dans le calcul de la performance énergétique ».
Des surcoûts surmontables, estime le Gouvernement
Le Gouvernement envisage que les surcoûts immédiats de la RE2020 se porteront à 3-4% des coûts de construction (pas plus de 10% du coût actuel à l’horizon 2030).
Florent Lacas, le 24/11/2020 à 20:43